Billets secrets de la Banque de France – Interview de Jean-Claude CAMUS de la Banque de France

Billets secrets de la Banque de France – Interview de Jean-Claude CAMUS de la Banque de France

Numismag vous présente un livre très intéressant, récemment publié, « Les Billets secrets de la Banque de France ». Nous avons interviewé son auteur, Jean-Claude Camus, qui nous dévoile l’histoire des « coulisses secrètes » de la création de billets à la Banque de France.

Jean-Claude Camus met en exergue le fait que l’actualité évolue plus vite que le temps nécessaire à l’élaboration des billets souvent imposé par la nécessité d’inventer de nouvelles techniques pour échapper aux faussaires. Son livre fait découvrir aux numismates et amateurs de l’histoire de France des billets non émis et leur histoire.

Nous vous présentons ici quelques billets issus de l’ouvrage qui vous donneront certainement envie de découvrir ces très beaux projets, pour beaucoup complètement inédits.

Nous remercions Monsieur Camus de nous avoir consacré du temps pour la réalisation de cet article.

 

Billets secrets de la Banque de France

 

NUMISMAG : Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de ce livre ?

Jean-Claude CAMUS : Ce livre est en quelque sorte le prolongement de celui que la Banque de France a publié en 1994 sur les billets émis par elle depuis 1800. Cette fois-ci, nous montrons les coulisses secrètes de la création des coupures et des travaux de recherche esthétiques, thématiques, techniques… Finalement ce sont des billets qui n’auraient probablement pas eu les faveurs du public ou qui n’auraient pas mérité sa confiance.

 

Atelier de création, Presse typo à platine Nicholais Détenue – Banque de France.
Ces presses servaient à la fabrication des épreuves.

 

Pouvez-vous nous faire une présentation de votre ouvrage qui rassemble une iconographie riche et des archives peu connues ou même inédites ?

Nous avons choisi de grands thèmes qui collent à l’histoire de la société française : l’absence des femmes célèbres, le renoncement au billet Clemenceau dans le contexte de la construction européenne, les événements politiques et les conflits armés, le progrès technique incessant notamment dans la photographie et l’imprimerie… Le choix a été fait, avec l’éditeur, de donner certes une grande place aux reproductions de billets, mais aussi d’expliquer clairement leur histoire, en livrant des anecdotes significatives, des courriers d’époque ou des documents qui ont inspiré les artistes mandatés par la Banque de France.

 

Les billets de la Banques de France non émis

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50 000 francs “Georges Clemenceau” – type 1957

Le 1er projet qui met en avant le « Père la Victoire »

Première version du recto du billet Georges Clemenceau de 1957 avec une valeur de 50 000 anciens francs, par Jean Lefeuvre.
Clémenceau est représenté ici comme l’artisan de la paix. La première maquette présente Clemenceau vêtu du chapeau qu’il portait lors de ses déplacements dans les tranchées du front pendant la première guerre mondiale.

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500 francs Georges Clemenceau – type 1959

Le 2ème projet qui met l’accent sur Le « Tigre » le politique à la longue carrière publique

Epreuve de la deuxième version du recto du Clémenceau de 1959
le verso reprend la vignette du type 1957 mais légèrement modifiée.

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500 francs Georges Clemenceau – type 1976

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500 francs Georges Clemenceau – type 1978

Adoption d’un nouveau verso et modification typographique du recto

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500 francs Georges Clemenceau – type 1981

Dernière version avant son abandon

 

500 francs Georges Clemenceau – verso de la version de 1981 avec une colorimétrie plus claire que la version 1978

Les évènements historiques vont mettre un terme à ce projet. Avec le rapprochement de la France et de l’Allemagne et la préparation de différents projets européen dont la création de la Communauté économique européenne (CEE), il fût jugé diplomatiquement inopportun d’émettre un billet célébrant l’un des acteurs décisifs de la défaite allemande de 1918.

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500 francs, ”Rêverie sur un passé glorieux” type 1952

par Sébastien Laurent

Ce projet a été engagé en 1952 en vue du remplacement du billet de 500 francs type 1945 « Chateaubriand » émis après la guerre et trop peu protégé de la contrefaçon. C’est pourquoi cette nouvelle vignette est enrichie d’une impression noire très fine et en léger relief, dite en « taille-douce », qui donne de la profondeur à l’image, et dont la difficulté technique décourage les faussaires. La Banque de France renoue alors avec les représentations allégoriques, mais cette fois-ci sans recourir aux grandes figures de la mythologie gréco-romaine. Les deux faces de ce billet évoquent à la fois la nostalgie du passé et la confiance dans l’avenir. Jugeant le thème général du billet trop tourné vers le passé, le Conseil général de la Banque de France le rejeta.

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1 000 francs BDF type 1950 ”le Volontaires de 92”

Soldats volontaires en 1792 pour se porter au-devant de l’envahisseur prussien, par Sébastien Laurent

Ce nouveau billet est approuvé le 16 février 1950 par le Conseil général de la Banque de France qui autorise, le même jour, la mise en fabrication du papier. Il s’agit là de préparer le remplacement du 1 000 francs « Minerve et Hercule » émis dans la précipitation en juillet 1945 et très peu protégé de la contrefaçon. Cette nouvelle coupure est en effet dotée d’une impression en léger relief (dite en taille-douce) qui complique la reproduction par les procédés d’imprimerie commerciale. Les vignettes recto et verso de ce billet ont été dessinées en 1946 pour une coupure de réserve qui prit successivement les noms de « Carnot et Vercingétorix », « Soldat de la République » en 1947, « Le Volontaire de 1792 – Le Gaulois » en 1949 et enfin « Volontaires de 92 » en février 1950. S’inspirant du chant de guerre « Sambre-et-Meuse », il célèbre l’esprit de résistance face à l’envahisseur et honore ainsi les combattants français, militaires et civils, qui contribuèrent à la victoire du 8 mai 1945 sur l’Allemagne. Cette thématique fut écartée en 1950 au profit d’une allégorie gréco-romaine associée à une représentation d’une jeune famille sur une coupure nouvelle, dite « Athéna », abandonnant ainsi toute allusion à la Seconde Guerre mondiale.

verso du 1000 francs – Représentation traditionnelle de guerriers Gaulois en armes contre l’occupant romain.

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Quelles sont les principales époques couvertes par le livre ?

Principalement la seconde moitié du vingtième siècle qui est très riche en projets de billets du fait des grands bouleversements nés de la guerre, du passage au nouveau franc et de la naissance d’une Europe unie.

On voit que, pendant cette période, les événements politiques vont plus vite que la préparation des billets qui nécessite souvent plusieurs années. Des projets de coupures deviennent obsolètes rapidement et il faut parfois repartir à zéro tout en cherchant de nouvelles complexités techniques anti-contrefaçon, surtout après la guerre durant laquelle se sont développés des ateliers de fabrication et des filières d’écoulement de faux documents.

La toute dernière gamme de coupures françaises est très largement traitée au travers de plusieurs coupures qui n’ont pas vu le jour à la suite de l’abandon du « 200 francs » consacré au cinéma français et aux frères Lumière, affaire qui avait à l’époque suscité des articles dans les médias.

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100 francs 1985 – les frères Lumière – Banque de France
Premier projet de billet avec l’effigie des inventeurs du cinéma

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Avez-vous présenté tous les projets non aboutis ou avez-vous fait une sélection sur les plus représentatifs ?

Pour proposer un livre qui ne soit pas réservé aux seuls numismates ou collectionneurs, il a fallu en effet choisir des projets représentatifs des problématiques générales auxquelles la Banque de France avait été confrontée : le choix délicat de thèmes illustratifs consensuels, un besoin évident de moderniser l’esthétique des images et surtout la nécessité de complexifier les procédés d’impression pour garder une bonne longueur d’avance sur les faussaires. Cette approche a permis aussi de présenter des projets abandonnés aux différentes étapes de la création : le projet « 1 franc Rouget de Lisle » n’a pas dépassé le stade de la maquette peinte, alors que le 1000 francs « Art médiéval » a été imprimé en production « pilote » à un million d’exemplaires.

 

N’est-il pas étonnant que nombre de très beaux projets, dédiés à des femmes qui ont marqué l’histoire de France, n’aient pas abouti ?

C’était effectivement, pour nous aussi, un mystère ! Or la lecture des débats du Conseil général de la Banque de France, tout au long de la période étudiée, révèle non seulement les schémas de pensée traditionnels qui faisaient toujours la part belle aux hommes, mais aussi les tentatives de billets féminins qui ont échoué pour d’autres raisons : une Jeanne d’Arc trop anglophobe alors que la France et l’Angleterre s’associent pour déclarer la guerre à Hitler, la maladresse qu’il y aurait eu à illustrer d’une grande dame le plus petit billet en circulation, ou plus simplement encore la grande longévité technique du « 500 Pascal » qui rend inutile sa remplaçante Anne de Bretagne pourtant prête depuis plusieurs années.

 

 


200 francs Colette, 1979


Colette est représenté dans son appartement au Palais-Royal où elle résida à la fin de sa vie.
Maquette de Bernard Taurelle


 

Billets secrets de la Banque de France
par Jean-Claude CAMUS

Artelia édition

 

Si vous désirez vous procurer ce livre, il peut être acheté ou commandé dans n’importe quelle librairie

 

Sources : Jean-Clause Camus, Banque de France – NUMISMAG© – Crédits photos : coll. Banque de France

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