
LUC LUYCX, graveur monétaire et père de l’euro
- avril 06, 2020
- par
- Pierre



Lors du World Money Fair 2020, NUMISMAG avait appris par la CEO de la Monnaie Royale de Belgique , Madame VAN HERZELE, que Luc Luycx, le graveur monétaire considéré comme le père de l’euro, envisage de prendre sa retraite en 2021.
Aussi, nous avons saisi l’opportunité d’interviewer cet artiste qui compte tout particulièrement dans la jeune histoire de l’euro.
Madame VAN HERZELE a d’ailleurs souhaité ajouter quelques mots en préambule, concernant Luc LUYCX.
« J’ai fait réellement connaissance avec Luc Luycx au moment où je suis devenue commissaire des Monnaies en 2016 » explique Madame VAN HERZELE.
Elle ajoute: « A ce moment Luc dessinait, et jusque 2017, les pièces belges encore frappées dans l’atelier de la Monnaie Royale de Belgique (NDLR : atelier qui a fermé ses portes en 2018). Sa vie comme designer belge a été étroitement lié à la MRB. Il dirigeait lui-même tout le processus de design, de dessin à poinçon.
Il a dû continuer son travail afin d’exécuter les dispositions d’externalisation, suite à la décision gouvernementale de sous-traiter le marché de la frappe monétaire belge à la KNM (Monnaie des Pays Bas).
Il a alors perdu une partie de son autonomie car le processus est depuis 2018 en partie exécuté par le sous-traitant. Mais Luc a toujours travaillé d’une manière loyale, même si dans son cœur, il a souffert aussi de la transformation subie par la MRB.
Luc Luycx est sans conteste un homme qui laissera sa trace dans l’histoire Belge, Européenne et numismatique. C’est un homme qui sera dans la mémoire de beaucoup comme un grand artiste, modeste, dévoué, passionné et talentueux.
C’est un artiste qui est étroitement lié à l’image de la Monnaie Royale de Belgique, à son Roi et à son Pays!».
NUMISMAG: Quelle est votre formation initiale?
Luc Luycx : J’ai terminé mes humanités en électronique, pour ensuite faire des études de développeur informatique à l’école supérieure de Gand.
NUMISMAG: Quelle formation artistique avez-vous suivi?
Luc Luycx : Je n’ai suivi aucune formation artistique, mais je dessine depuis mon plus jeune âge. Plus tard, j’ai aussi fait un peu de peinture. Ensuite, j’ai acquis des compétences graphiques, par mes propres moyens.
NUMISMAG: Quels sont les courants artistiques ou les artistes qui vous ont influencé?
Luc Luycx : Il n’y en a pas à vrai dire. J’aime bien le style épuré, et donc mes projets actuels sont caractérisés par un certain dépouillement. Par contre, dans mon métier j’essaie d’adopter plusieurs styles en fonction de la thématique et du type de projet envisagés.
NUMISMAG : Comment êtes-vous devenu graveur de la MRB (Monnaie Royale de Belgique)?
Luc Luycx : J’ai commencé à la MRB en 1985, comme électronicien. Ensuite, à la demande de la direction de l’époque, j’ai développé un certain nombre d’applications informatiques pour améliorer l’efficacité des travaux du service Comptabilité.
Après, il a été décidé d’acquérir à la MRB une machine à graver 2D informatisée. C’était le réel point de départ de ma carrière de graphiste au sein de la Maison de la Monnaie.
NUMISMAG : Pouvez-vous nous raconter en quelques mots l’histoire du concours de 1997 et ce qui déterminé le choix de votre projet par les autorités européennes?
Luc Luycx : Quand le Commissaire des monnaies m’a appris qu’il y aurait un concours de projets, j’ai décidé de tenter ma chance et je me suis inscrit. Comme personne privée bien entendu.
Les instructions données pendant le concours étaient que les projets devaient avoir un rapport avec l’un des thèmes proposés, tels que l’architecture, les grands personnages ou les objectifs de l’Europe.
Mon choix s’est porté sur ce dernier thème, sous le titre « L’évolution vers une Europe unique ».
Lors de l’arbitrage décisif entre les différents travaux, je suppose que c’est la clarté du projet qui a fait pencher la balance.
Projet initial de la pièce de 2€ de Luck LUYCX – face commune
Dessin définitif de Luc LUYCX
NUMISMAG : Quand on vous dit que vous êtes le père de l’euro (pour les huit valeurs circulantes) qu’en pensez-vous?
Luc Luycx : C’était une énorme surprise. Je ne trouve toujours pas les mots. Je crée des projets tous les jours et ça me faisait simplement plaisir de participer, mais je suis évidemment très honoré.
NUMISMAG : Quel est votre rôle aujourd’hui au sein de la MRB (conception ou plus un rôle de supervision de la gravure des pièces)?
Luc Luycx : Les deux … Je participe toujours à des processus de création comme avant, à ceci près que la production technique est réalisée par la KNM. Cependant, nous en gardons le contrôle en tant qu’autorité publique émettrice.
NUMISMAG : Pour quels autres pays avez-vous réalisé des monnaies ou des médailles (une petite liste des différentes réalisations)?
Luc Luycx : Au cours des premières années, on a participé à la production technique de certaines monnaies pour d’autres pays. Ensuite, on a réalisé quelques projets (esquisses) pour le Grand-Duché de Luxembourg.
Ma tâche consistait, et consiste toujours, à créer uniquement des projets pour la MRB en tant que travailleur.
NUMISMAG : Quelle est le projet que vous avez le plus apprécié dans vos différentes réalisations?
Luc Luycx : Voilà qui est facile … le projet de création de l’euro, incontestablement !
NUMISMAG : Quelle a été la pièce la plus compliquée dans sa conception au cours de votre carrière?
Luc Luycx : Difficile à dire. Chaque création est l’aboutissement d’une recherche du meilleur résultat possible sur base de ressources trouvées par ses propres moyens ou mises à disposition.
L’obtention du meilleur résultat possible constitue toujours un défi. J’éprouve donc un lien particulier avec chaque pièce de monnaie ou avec chaque jeton que j’ai créé.
NUMISMAG : Vous allez très prochainement prendre votre retraite. Avant cette échéance, avez-vous un souhait, un projet particulier que vous souhaiteriez réaliser?
Luc Luycx : Pas spécialement. L’année à venir comportera toujours son lot de défis de par les projets qui nous attendent et dans lesquels je vais encore m’investir à fond. Je n’ai pas le temps de penser à ma pension pour le moment.
NUMISMAG : La société sans cash, vous y croyez?
Luc Luycx :Je ne pense pas que nous évoluions vers une société sans numéraire. Ceci dit, la demande diminuera graduellement de par l’émergence d’autres moyens de paiement numériques.
Mais j’espère que les pièces commémoratives et les jetons auront encore un bel avenir.
Sources: Luc Luycx, MRB et NUMISMAG.