Le faux monnayage connait peu la crise

Le faux monnayage connait peu la crise

Les derniers chiffres du faux monnayage en France:

La France reste un des pays les plus touchés par le phénomène de faux-monnayage en Europe. Elle l’est en tout cas beaucoup plus que ses voisins, l’Allemagne et l’Italie notamment. 34% des faux billets, saisis en Europe, le sont en France.

Globalement, la masse des fausses coupures est en baisse. Cela indique selon les responsables de l’OCRFM (office central de répression du faux monnayage), une baisse conséquente de l’activité des faux monnayeurs en 2016 en France. Les pouvoirs publics italiens, dont proviennent 90% des faux saisis, ont mis l’accent sur la répression de ces trafics pénalement répréhensibles. Deux ateliers d’importance ont ainsi été démantelés en 2015-2016. Cela n’était pas le cas dans un passé encore récent, pourtant postérieur au passage à la monnaie unique.

Selon l’OCRFM, le nouveau billet de 20€ est également plus difficile à imiter et encore trop récent pour que les faussaires aient été en mesure de produire des faux en masse. Les billets de 20 et 50€ sont les billets les plus contrefaits en Europe. Ils représentent 87% des faux billets en circulation, au total.

Organisation de la Lutte contre le faux monnayage en France:

L’OCRFM (Office Central de Répression du Faux Monnayage) a été créé le 11 septembre 1929, en application de la Convention de Genève. Il centralise les renseignements pouvant faciliter les recherches, la prévention et la répression du faux monnayage. L’office assure la coordination opérationnelle des actions menées sur l’ensemble du territoire par les services de la police judiciaire et de la gendarmerie nationale.

De plus, il peut intervenir, seul, sur l’ensemble du territoire ou en soutien de tout service de police ou de gendarmerie, sur les dossiers ou objectifs les plus importants. Il a conçu, à l’attention de tous les enquêteurs en charge de la lutte contre le faux monnayage, un plan national de formation et assure l’assistance technique et scientifique aux enquêtes.

L’office est à l’origine de la création et de la gestion de deux applications informatiques, particulièrement importantes, à vocation opérationnelle:

  • le répertoire automatisé pour l’analyse des contrefaçons de l’euro (RAPACE), destiné à permettre à tous les enquêteurs d’identifier les contrefaçons des billets en euro ;
  • le fichier national du faux monnayage (FNFM.), recensant l’ensemble des affaires de fausse monnaie commises sur le territoire national et servant de base de données de documentation et d’analyse opérationnelle. Ce fichier sert également à l’alimentation du système d’information d’Europol.

III) Les différentes productions de faux billets en France:

III.1) Les productions Offset:

Ces productions nécessitent des équipements lourds d’imprimerie. Selon un des responsables de l’office central de la police française, il faut compter environ 300 000€ pour un équipement Offset complet. En Europe, elles sont localisées en Italie surtout dans la région de Naples. De nombreux touristes font le récit de ces revendeurs de rue à Naples qui leur ont proposé des faux billets par liasses entières.

La Bulgarie, la Roumanie et dans une moindre mesure la Colombie ont également produit des fausses coupures euros. Il s’agit souvent d’ateliers qui étaient à l’origine en Italie. Ils ont été déplacés vers ces pays parce que la police italienne a fait de la lutte contre la fausse monnaie une de ses priorités depuis 2014, sous la pression des autorités européennes. Cette localisation n’est pas sans explication. Pendant longtemps, le faux monnayage était moins sévèrement réprimé en Italie que dans le reste de l’Europe. En effet, en Italie, c’est un délit pénal alors que dans beaucoup d’autres pays, c’est un crime. Les sanctions pénales sont donc plus lourdes.

 

Saisie de faux billet par la gendarmerie à Marseille en 2015 – crédit photos Sud Ouest

 

En France, un des rares ateliers de ce type était un atelier « industriel » établit à COURTRY, en banlieue parisienne. Il était dirigé par un spécialiste, issu du grand banditisme, Dominique PATROM. Il a été démantelé par l’OCRFM en 2012. Il était spécialisé dans les faux billets de 20 et 50€, de la première série ES-1.

Le code pénal prévoit les sanctions suivantes pour les faux monnayeurs:
« La contrefaçon ou la falsification des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France ou émis par les institutions étrangères ou internationales habilitées à cette fin est punie de trente ans de réclusion criminelle et de 450000 euros d’amende. Est punie des mêmes peines la fabrication des pièces de monnaie et des billets de banque mentionnés à l’alinéa précédent réalisée à l’aide d’installations ou de matériels autorisés destinés à cette fin, lorsqu’elle est effectuée en violation des conditions fixées par les institutions habilitées à émettre ces signes monétaires et sans l’accord de ces institutions. Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article» (art.442-1 du code pénal).

A noter que la remise en circulation en toute connaissance de cause de faux billets par un particulier, dans un premier temps abusé, tombe également sous le coup de la loi.

« Le fait, pour celui qui a reçu les signes monétaires contrefaits ou falsifiés visés à l’article 442-1 en les tenant pour bons, de les remettre en circulation après en avoir découvert les vices est puni de 7500 euros d’amende » (art.442-7 du code pénal).

Le seul comportement à avoir d’un point de vue légal, si vous êtes en possession d’un faux billet, est de le rapporter à la Banque de France. Le détenteur de ces fausses coupures sera ainsi pénalement « blanchi ». En revanche, il ne sera pas indemnisé de la perte financière qu’il aura subie. Le code pénal français sanctionne également les faux qui portent sur des monnaies ou billets qui sont destinés à être mis en circulation mais qui ne l’ont pas encore été (art442-15 du code pénal).

De plus, le choix de la Roumanie, de la Bulgarie ou même de la Colombie s’explique par le fait que ces pays n’ont pas l’euro comme monnaie officielle. De ce fait, le juge pénal local est en général moins sévère dans l’application des peines que si les contrefacteurs s’en étaient pris à la monnaie locale officielle, ayant cours légal dans le pays considéré. 90% des faux circulant en France proviennent d’Italie selon l’OCRFM. Les 10% résiduels sont des productions numériques réalisées en France.

Les services de police constatent une répartition des rôles cloisonnée entre les différents intervenants dans le commerce des faux billets. La production de masse italienne est souvent aux mains d’organisations mafieuses. La distribution des faux billets de fabrication italienne en France est le fait de réseaux de délinquants ou de gens du voyages qui ont des connections avec les maffias italiennes. Ceux-ci achètent aux imprimeurs italiens les faux billets pour 10 à 15% de leur valeur faciale.

Ces réseaux de distributions écoulent ensuite cette production, entre 30 et 40% de sa valeur faciale. Il y a donc une répartition de la marge commerciale entre les différents intervenants, la plus grosse partie étant captée par le réseau commercial, comme dans beaucoup d’autres activités économiques licites. Tout le système est cloisonné jusqu’au client de confiance, dernier maillon de la chaîne de distribution. Les donneurs d’ordre de ces réseaux n’apparaissent pour ainsi dire jamais.

III.2) Les productions numériques:

Elles sont des productions locales et sont écoulées par le faussaire ou son entourage proche. Cependant l’OCRFM a du traiter des cas de faux presque parfaits réalisés en numérique et signalés par la Banque de France, qui s’en est rapidement inquiétée. Ces petites imprimeries spécialisées sont souvent aux mains des réseaux délinquants des banlieues des grandes villes françaises. Ces fausses coupures sont écoulées par des commerçants locaux, complices ou non, ou pour payer des achats sur Ebay auprès de particuliers.

L’OCRFM a constaté en 2014 que de nouveaux réseaux de distribution de faux billets s’étaient mis en place sur le DARKNET via le réseau TOR. C’est  le cas notamment d’un adolescent de 14 ans, vivant dans la Drôme, qui a écoulé près de 9 000€ en billets de 20€ en 2015.

Il avait monté un système frauduleux afin d’obtenir les informations bancaires d’abonnés au site Netflix. Ensuite, il a revendu sur le DARKNET ces informations contre des bitcoins. Il a finalement échangé ceux-ci contre des faux billets de 20€. Mais il a parlé de ses exploits à des connaissances dont le premier réflexe a été de voler le magot et de le dépenser sur place. Il a ensuite été dénoncé par l’une de ces personnes, entendue par les services de police. Tout comme BOJARSKI, le plus célèbre des faussaires français, ce dernier aura été perdu par ses complices.

C’est souvent la faille, car un système de distribution de fausse monnaie implique une multitude d’intervenants, beaucoup plus que dans un circuit de distribution de produits stupéfiants. Il faut que la fausse monnaie se dilue dans la masse, pour ne pas être repérée ou au moins être repérée le plus tard possible par les autorités fiduciaires et policières.

Pour ce qui est des fausses coupures métalliques, elles proviennent d’Italie également, avec toutefois une variante qui a été mise à jour en septembre 2014 par les services de police italiens. L’Italie n’est pas forcément le pays de production de ces fausses coupures. Elle peut n’être que le pays de transit. Cela a été le cas avec une cargaison de fausses pièces de 1 et 2€ saisies dans le port de Naples en provenance de Chine et d’une valeur faciale globale de plus de 600 000€.

2 998 faits de faux monnayages ont été constatés en France en 2015 et 81 personnes ont été écrouées pour faux monnayage. Le taux d’élucidation était de 64,5% en 2015, ce qui est un taux élevé par rapport à celui de la délinquance plus usuelle.

 

Bibliographie:

  • Site internet du ministère de l’Intérieur/Organisation de la DGPN.
  • Rapport annuel de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (rapport 2016 sur l’année 2015)
  • Article du Figaro du 11/07/2017
  • Article de l’Express du 20/12/2014

Source: NUMISMAG.

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