L’avenir de la Monnaie de Paris, les enjeux et défis à relever
- décembre 19, 2018
- par
- Olivier
La vénérable maison, créée le 25 juin 864 sous le règne de Charles II par l’Édit de Pîtres est l’une des plus vieilles entreprises du monde et la plus ancienne institution française toujours en activité. 1154 années d’existence !!. Ce n’est pas un hasard si cette manufacture ce trouva à proximité de la résidence des rois de France. Elle fût d’abord installée dans la Conciergerie, ancien château des princes carolingiens puis capétiens. Puis elle s’installa près du Louvre avec la construction du nouveau palais, avant de se fixer, sur décision de Louis XV, Quai de Conti.
Aujourd’hui elle doit faire face à une accumulation de défis a relever et n’a plus le choix que d’agir vite, tant sa santé financière est précaire. Les résultats de l’année 2018 ne seront pas bons. En effet la Monnaie doit passer des dépréciations sur ses stocks de métaux précieux et remettre progressivement dans son bilan son engagement sur les pièces à valeur faciale (retour important de pièces en argent et Or à la Banque de France qui ne veut plus prendre en charges financièrement le coût des retours). Pour la Monnaie de Paris c’est une charge qui s’élève en tout à 414 millions d’euros. Il est question également de « significativement » réduire les stocks d’or. Côté effectif, s’il n’est pas question de licencier, la vieille maison s’est vue tout de même assigner un objectif de réduction de sa masse salariale de 2 % par an.
Comment est décidé le nombre de pièces à fabriquer
Chaque trimestre, le besoin net de pièces est évalué en fonction des demandes de rouleaux qui émanent des commerçants et c’est Bercy, qui passe la commande. Le problème est que les besoins sont difficilement évaluables.« On navigue à vue », reconnaissait même Aurélien Rousseau, l’ancien PDG de la Monnaie. Par exemple pour l’année 2017 Bercy tablait sur une baisse de la demande. Hors ce fût tout le contraire, la demande de pièces a véritablement augmenté. Les émissions nettes françaises de pièces ont atteint 3,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 4,4 % en un an. Les centimes sont les plus demandés, car les premiers à être perdus ou gardés par les touristes. Il est a noté également que du fait que certains pays ont abandonné la fabrication des 1 et 2 centimes, certaines banques commerciales viennent chercher des pièces de 1 et 2 cents dans les pays qui en émettent toujours. Cela revient à effectuer un transfert de charge sur les coûts de fabrication des pièces de 1 et 2 cents des pays producteurs vers les pays non producteurs et sans contrepartie.
La fabrication Quai Conti
L’usine de Paris, la dernière en activité de la capitale, compte encore 150 salariés. Elle s’est spécialisée dans la production des pièces de collection en métal précieux (OR Argent), des médailles, des décorations officielles dont la Légion d’honneur.
L’atelier des Médailles Quai Conti
La fabrication à Pessac en Gironde
Les pièces d’euros ou de devises étrangères, elles, sont frappées dans l’usine de Pessac qui compte 200 employés. Chaque année, 1,6 milliard de pièces sont produites. Pour la première fois en 2018, la Monnaie de Paris frappera davantage de pièces étrangères que d’euros !
Les presses de frappe de l’usine de Pessac – © Jean-Christophe Ballot
La monnaie compte désormais 40 pays dans son portefeuille, et réalise la moitié de son chiffre d’affaires à l’export. les pays clients sont pour les principaux : la Thaïlande, la Colombie, le Guatemala, l’Uruguay, le Liban, Bahreïn, le Sultanat d’Oman, l’Arabie saoudite, l’Ouganda et les pays qui utilise le franc CFA.
Comme le précisait Aurélien Rousseau « ce qui fait notre différence, c’est qu’on se bat pour gagner chaque appel d’offres, avec conseils et logistique intégrés. Et nos graveurs sont très bons ». Il croyait encore, dur comme fer, à l’avenir de la Monnaie de Paris. Qu’en sera-t-il du nouveau PDG de la monnaie ?
Les principaux défis de la Monnaie, un devoir de s’adapter à l’évolution du marché
Le premier problème est que son métier historique, c’est-à-dire la fabrication des euros, est en crise. En dix ans, la commande publique a été divisée par deux, et cette baisse devrait se poursuivre au rythme de 5 % par an, en raison notamment du développement du paiement sans contact et des cartes bancaires promus par les banques. Les paiements par carte ont ainsi progressé de 67 % au cours des dix dernières années.
De plus, les commandes faites par les monnaies étrangères ne compenseront pas dans l’immédiat la baisse des commandes de l’état Français.
Pour lutter contre cette lente érosion de son marché domestique, la Monnaie de Paris doit innover et exporter en jouant à fond la carte du « fabriqué en France » et de son prestigieux nom. « La marque Monnaie de Paris est forte, elle incarne des valeurs de fiabilité, de sécurité et d’authenticité », rappelait Aurélien Rousseau au printemps dernier.
Ce qui est paradoxal, c’est que la demande en monnaie fiduciaire demeure dynamique dans la zone euro et dans le monde, en dépit de l’évolution des modes de consommation et du développement de nouveaux moyens de paiement qui contribuent à réduire le recours aux espèces. Ainsi, en un an, la valeur totale des billets et des pièces en euros en circulation dans le monde a crû de 4,0 %.
Le plan de transformation
Lancée par Aurélien Rousseau en décembre 2017, la stratégie de ce nouveau plan s’étalera sur 18 mois avec pour finalité des actions à engager pour les 5 ans à venir. Le but étant de faire évoluer le modèle économique de l’institut. La Monnaie de Paris a frappé 710 millions de pièces en euros en 2017, en baisse par rapport à 2016 (750 millions). Pour rappel 803 millions de pièces ont été fabriqués en 2014.
Il y aura également l’arrêt d’activités trop peu rentables comme par exemple les médailles institutionnelles. Aurélien Rousseau avait également évoqué la création d’une activité de stockage de produits de haute valeur ou un data center à Pessac.
Avec l’autorisation du Ministère des Finances, la création de bullion fait également partie des pistes à approfondir. Mais Il faudra investir dans de nouveaux matériels et bien appréhender un secteur où la Monnaie de Paris est totalement absente. Les plus importantes Monnaies Nationales dans le monde ont investi le domaine des bullions. La Monnaie d’Autriche n’a pas hésité, pour avoir les compétences, à débaucher la responsable de ce secteur à la Monnaie du Canada avec le succès que l’on connaît.
Concernant les monnaies de collections la Monnaie change de cap. La baisse des tirages et du nombre de projets permettra de retrouver la notion de rareté dans ces futurs collections.
Les investissements
Cette année 2018 la Monnaie de Paris a engagé une politique d’investissement significative. Elle a ainsi créé un atelier de tampographie à Pessac, pour coloriser les pièces qu’elle frappe et a recruté un collaborateur spécialisé dans ce domaine. La machine de colorisation peut traiter 600 pièces à l’heure. L’atelier dispose également d’un four et d’une machine à laver permettant de nettoyer les clichés et les encriers. Cette tâche était confiée jusqu’à présent à des entreprises sous-traitantes. En 2018, les pièces de 2€ et 50€ colorisées sont des productions 100% Monnaie de Paris. La Monnaie a également fait l’acquisition d’une imprimante 3D pour la fabrication des coins destinés à la frappe des pièces et médailles.
Un nouveau point de vente
Depuis octobre, la monnaie a ouvert pour la première fois, un point de vente aux Galeries Lafayettes. Objectif : y vendre des monnaies et des médailles, mais aussi des bijoux frappés de son sceau aux touristes asiatique qui en raffolent.
Il reste a espérer que le nouveau Président directeur général, Marc Schwartz saura prendre les bonnes décisions et que la feuille de route donnée par le ministère de l’Économie aille dans la direction d’un développement de la Monnaie.
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Sources : Monnaie de Paris – NUMISMAG©