Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

Dans le cadre de notre rubrique consacrée aux jeunes professionnels de la numismatique, NUMISMAG  a interviewé HADRIEN RAMBACH. Titulaire d’un MBA en administration d’entreprise et d’un master en philosophie, HADRIEN s’est rapidement tourné vers la numismatique. Il a travaillé pour plusieurs sociétés de commissaires priseurs spécialisées. Il a notamment travaillé chez SPINK and Son de 2003 à 2006, comme spécialiste des pièces romaines. Il a alors collaboré à l’importation et la vente du trésor de PIMPREZ, composé de pièces médiévales en argent et découvert en France.

Depuis 2006, HADRIEN est un expert indépendant en numismatique, en pierres précieuses gravées, en camées et livres rares.

 

NUMISMAG: Hadrien, merci d’avoir bien voulu répondre à nos questions. Quelle est votre formation de base?

HADRIEN RAMBACH: En numismatique, comme la plupart de mes confrères, je me suis formé sur le tas. L’expérience vient  avec le temps – plus qu’avec des livres ou des professeurs.

Néanmoins, j’ai bénéficié de l’amitié et des conseils de Jean-Baptiste Giard, d’abord au Cabinet des Médailles à Paris mais aussi ensuite après sa retraite.

Par ailleurs, j’effectue beaucoup de recherches sur les monnaies romaines, l’histoire de la numismatique, et les pierres gravées, par curiosité et/ou comme service pour mes clients. J’ai certainement acquis méthode et rigueur scientifique de ma mère et de mon épouse (des universitaires toutes les deux, et mon épouse Arianna D’Ottone Rambach est aussi numismate), de mes études, bac scientifique, classe prépa., Sup de Co Grenoble, et enfin alors que je travaillais déjà à Londres, Master d’Esthétique à l’université Paris X Nanterre.

 

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

HADRIEN RAMBACH, expert indépendant en numismatique depuis 2006

 

NUMISMAG: Quel a été l’événement ou la rencontre qui vous a incité à vous intéresser à la numismatique?

HADRIEN RAMBACH: J’ai eu la chance d’être entouré de livres toute mon enfance, et d’en recevoir beaucoup comme cadeaux.  On m’a offert notamment la traduction française du livre de Joe Cribb, « Les Monnaies du Monde », probablement dès sa parution en 1990 ou 91 (vers dix ans donc). Je n’ai pas souvenir d’avoir particulièrement réagi immédiatement, mais en 1992 je l’ai feuilleté à nouveau, et admiré la variété des monnaies – et notamment la 50 pence anglaise de 1973 avec sa couronne de mains, et un médaillon frappé à Trêves sous Constantin le Grand. Quant au beau plateau gainé de cuir rouge, d’un collectionneur du XVIIIe siècle, rempli de monnaies d’or, j’en rêve encore…

NUMISMAG: Quel est votre centre d’intérêt en numismatique?

HADRIEN RAMBACH: Quand ce livre de Joe Cribb m’a donné envie de collectionner les monnaies plutôt que les billets d’avion, les gommes, ou les timbres, que j’accumulais depuis plusieurs années, mon père m’a offert un sac de « vieux sous », Napoléon III et IIIe/IVe République, qui traînait dans un tiroir.

Devant mon excitation, pour Noël, il m’a emmené Rue de Richelieu acheter un exemplaire du guide Gadoury sur les monnaies françaises. J’ai décidé de collectionner les pièces de 1 centime, mais les rares étaient inabordables et surtout introuvables.  Quelques mois après, j’ai rencontré le marchand Michel Prieur – malheureusement décédé en 2014 – qui m’a fait découvrir les monnaies romaines, en passant le temps nécessaire pour me permettre de déchiffrer seul l’inscription d’un bronze constantinien.

J’ai eu la chance depuis de manipuler des monnaies très importantes, de la Sicile Antique à un Brasher Doubloon de 1787, mais les monnaies impériales romaines restent mes préférées.

 

NUMISMAG: Pourquoi plus particulièrement les monnaies antiques (romaines)?

HADRIEN RAMBACH: Il me semble qu’une monnaie peut être intéressante par plusieurs aspects : visuellement, et historiquement. Les monnaies romaines associent ces aspects. J’avoue être peu sensible au charme esthétique d’une monnaie du XIXe siècle, alors que – par exemple – le portrait du père de Trajan me semble l’un des plus beaux portraits jamais réalisé (tous supports confondus). Quant à l’histoire, c’est probablement mon amour des ruines admirées en Grèce tous les étés quand j’étais enfant (Athènes et la bibliothèque d’Hadrien !), c’est une évidence pour les monnaies romaines, qui cumulent une légende et une iconographie riches de sens et de références.

De plus, une provenance ancienne (ou localisée) des monnaies antiques est toujours plus recherchée de nos jours, et quelle excitation d’acheter un aureus de Gallien qu’un collectionneur milanais évoquait dans son journal manuscrit en 1770, ou un solidus de Constantin frappé à Trêves, perdu puis retrouvé dans le Somerset (Angleterre).

 

NUMISMAG: Quelle est votre pièce, votre médaille, ou même votre billet, préféré ?

HADRIEN RAMBACH: La question est très complexe, car un professionnel risque toujours de devenir blasé.

J’ai vendu le plus beau Cléopâtre connu, acheté un César (au portrait) d’or dans un état parfait, mais aussi un aureus d’Emilien, le seul exemplaire en main privé de cet empereur (tous types confondus) ou encore le seul exemplaire d’un billet de la banque de Law (signé par John Law en personne) qui ne soit pas dans un musée.

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

Portrait de Jules César, vendu par HADRIEN RAMBACH

 

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

 AUREUS d’or d’Emilien, seule monnaie en mains privées

 

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

Billet signé de la main de John LAW, seul exemplaire en collection privée

 

Mais il est probable que les portraits de face (de Postume notamment) seraient mon choix : j’admire particulièrement les portraits des empereurs gallo-romains.

 

NUMISMAG:Quels sont les autres domaines d’activité de votre société ?

HADRIEN RAMBACH: Les marchands de monnaies, surtout en Angleterre où j’ai vécu de 2003 à 2015, s’occupent souvent aussi de petites antiquités : bagues, fibules, statuettes de bronze, etc. Et à travers un proche ami, par hasard (un exemplaire remarqué sur son bureau), j’ai découvert l’existence des intailles et des camées antiques. Les pierres gravées sont vite devenues une passion, et je me suis immédiatement mis à constituer une bibliothèque de référence. Donc depuis je suis devenu conseiller en numismatique, et marchand de glyptique.

 

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

 

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

 

NUMISMAG:Quelle type de clientèle avez-vous développé (institutionnels et particulier)?

HADRIEN RAMBACH: Il m’est arrivé de vendre à des musées, ou surtout d’enchérir pour leur compte dans des ventes aux enchères, mais la grande majorité de mes transactions sont avec des particuliers – surtout américains. Les institutions n’ont guère de budget d’achat, et il leur est toujours difficile de demander un budget exceptionnel pour une vente aux enchères car les délais sont trop courts et le prix de vente bien évidemment pas connu à l’avance… Je préfère donc travailler avec des collectionneurs, qui profitent de mes compétences, de mon expérience et de mes réseaux, car la joie qu’ils ressentent quand je les aide à acquérir une monnaie qu’ils désirent est un vrai cadeau.

 

NUMISMAG: Quelle est la vente ou l’acquisition la plus importante à laquelle vous avez participé ?

HADRIEN RAMBACH: J’étais le responsable en charge chez Spink & Son en 2005 d’organiser à New York la vente des monnaies d’or non-américaines de Louis E. Elisaberg Sr. (surnommé le « King of Coins »), qui réalisa un total de plus de dix millions de dollars. J’ai aussi conseillé un client lors de son achat d’une collection entière d’aurei, pour plusieurs millions d’euros, et un ami  pour la vente d’une collection de monnaies grecques et romaines qui était petite mais digne d’un musée. Individuellement, j’ai pu acheter pour des clients l’unique aureus d’Emilien en main privée, un superbe aureus d’Allectus qui venait d’être (officiellement) trouvé en Angleterre, plusieurs aurei de Carausius, un Maximin Thrace de qualité remarquable, le plus beau portrait connu de Jules César en or, … mais aussi quelques monnaies grecques exceptionnelle comme un très beau tétradrachme syracusain signé par le graveur Eukleidas.

 

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

Aureus d’Allectus trouvé et vendu en 2019

 

NUMISMAG: Quels sont les monnayages qui selon vous mériteraient un intérêt plus grand du public?

HADRIEN RAMBACH: Je dirais en riant : tout ce que vous ne connaissez pas, car cela veut dire que ce n’est pas assez mis en avant dans les catalogues de vente. Les bronzes grecs par exemple : un exemplaire assez bien conservé d’une monnaie de Knossos est passé aux enchères en Octobre 2019, avec une très belle représentation du labyrinthe et d’Europe sur le taureau, estimée ridiculement bas à €125. Mais aussi, dans un autre budget, les monnaies médiévales d’or : un « heaume d’or » ou une « Couronne d’Or » valent encore très peu en bel état par rapport aux prix – par exemple – d’une monnaie de Napoléon III (un empereur qui a été très recherché récemment par les collectionneurs japonais). Collectionner à contre-courant, ce qui n’est pas à la mode, permet évidemment d’acheter de belles choses moins cher. Mais ce n’est pas nécessairement un bon investissement car cela pourrait ne jamais devenir à la mode de votre vivant. Ce qui compte, c’est d’acheter ce que vous aimez, non ?

 

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

L’un des premiers livres de numismatique par Johann Huttich, Imperatorum romanorum libellus – « Una cum imaginibus, ad vivam effigiem expressis », Strasbourg 1526, dans sa reliure effectuée pour le bibliophile Grolier

 

NUMISMAG: La numismatique vous paraît-elle être une possibilité de placement alternatif compte-tenu de la méfiance grandissante du public vis-à-vis des banques de détail?

HADRIEN RAMBACH: Je suis mal à l’aise avec la notion de placement, et le conseil habituellement donné est de ne pas investir plus de 5% de ses actifs dans une catégorie telle que l’art ou les antiquités : en effet, ce ne sont pas des actifs liquides (à moins de les sous-vendre), et il y a des effets de mode qui incitent parfois à attendre quelques années avant de réaliser une vente. Mais il est vrai que Mr La Borde, un grand collectionneur canadien que j’ai conseillé et qui a vendu sa collection de monnaies romaines en 2016-2018, a doublé sa mise sur les pièces qu’il a revendues lors de sa première vente aux enchères. Donc, non je ne conseille pas d’investir de l’argent « utile » dans la numismatique, mais il semble raisonnable de protéger une partie de ses actifs dans des biens qui ont une valeur intrinsèque (or) et indiscutable (monnaie romaine plutôt qu’art contemporain).

 

NUMISMAG: Quels conseils de base donneriez-vous à un collectionneur qui souhaiterait investir dans une collection numismatique?

HADRIEN RAMBACH: Comme je viens de dire, une collection doit être formée : ce n’est pas un simple investissement. J’encourage à collectionner pour son plaisir en sachant que les monnaies les plus rares et les plus belles ont de plus fortes chances de voir leur valeur augmenter que des monnaies quelconques. Les collections les plus intéressantes d’un point de vue scientifique sont celles ultra-spécialisées, car elles permettent de découvrir de nouvelles variétés etc. Mais elles sont plus difficiles à revendre (il y aurait trop de monnaies assez similaires en même temps sur le marché), donc pour un investissement il vaudrait mieux une collection variée – fondée sur la beauté.

 

NUMISMAG: Vous avez écrit par ailleurs un certain nombre d’articles qui sont mis librement à la disposition du public. Quels sont vos sujets de prédilection ?

HADRIEN RAMBACH: L’histoire de la numismatique, du collectionnisme et des collectionneurs me fascine : qui sont les savants et les amateurs qui ont possédé une monnaie avant mes clients, qui ont compris les premiers l’événement auquel se réfère un type monétaire, etc. Et les pierres gravées sont encore assez peu étudiées bien que des études iconographiques permettent de faire apparaître clairement des datations qui restaient incertaines. Sinon, rédiger un corpus d’une petite série de monnaies rarissimes est assez jouissif. Quand NAC a proposé un aureus de Brutus en 2015, l’étude que j’avais réalisée m’a immédiatement permis de leur signaler que la pièce avait été vendue comme « double » par le Musée de Vienne il y a près d’un siècle…

 

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

Conférence donnée à Bruxelles sur le collectionnisme de pierres gravées

 

NUMISMAG:Vous estimez donc que la numismatique doit être décloisonnée et que l’information doit être portée à la connaissance du plus grand nombre ?

HADRIEN RAMBACH: Je ne crois pas que ce soit un domaine dans laquelle l’information ait jamais été cloisonnée, d’autant plus que les premiers savants étaient en général des collectionneurs. Mais, absolument oui ! Le seul espoir pour qu’il y ait de nouveaux collectionneurs et collectionneuses, c’est de faire découvrir la richesse historique des monnaies, ce qui nécessite une étude préalable. « Achetez le livre avant la monnaie » dit un proverbe américain classique ! Je pense en effet que le collectionneur qui n’acquiert pas une connaissance en propre s’offre en victime à un marchand malhonnête. D’ailleurs, dès que je rencontre un futur collectionneur, je lui offre des livres…

 

Jeune professionnel du mois: Hadrien RAMBACH

 

Sources: Hadrien RAMBACH et NUMISMAG.

 

Laisser un commentaire

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Newsletter signup

RECEVEZ GRATUITEMENT
LES ACTUALITÉS

Merci de patienter

Merci pour l'inscription

×