RENEE MAYOT: la gravure classique au féminin, à la Monnaie de Paris

RENEE MAYOT: la gravure classique au féminin, à la Monnaie de Paris

Vous ne connaissez peut être pas son nom, mais vous avez très probablement tenu dans vos mains l’une de ses créations ou vous en avez vu une sur un catalogue de la Monnaie de Paris, chez un revendeur professionnel…Sa production est de qualité et importante. RENEE MAYOT a en effet gravé pas moins de 200 médailles de table pour le compte de la Monnaie de Paris, ce qui fait d’elle sans aucun doute l’un des graveurs les plus prolifiques en matière de médailles en France, ces dernières décennies. Sa première oeuvre, gravée en 1970, était une médaille commandée par le directeur de la Monnaie de Paris et dédiée à Robert Le Pieux. NUMISMAG a été à sa rencontre afin de l’interviewer sur sa longue et prolifique carrière de médailleur.

 

RENEE MAYOT: la gravure classique au féminin, à la Monnaie de Paris

L’artiste Renée MAYOT dans son atelier

 

NUMISMAG: RENEE, quelle a été votre formation initiale?

RENEE MAYOT: J’ai eu la chance d’entrer très jeune à l’école des Beaux-Arts de Reims. J’y suis restée trois années avant de partir pour Strasbourg afin d’y préparer un diplôme de sculpture. J’ai ensuite terminé mes études à l’école nationale supérieure de Paris dans l’atelier de Raymond Corbin et y ai passé mon diplôme en gravure de médailles.

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Médaille Musée Fragonard – éditions particulières (EP) de la Monnaie de Paris

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Plâtre de la Médaille Musée FRAGONARD de Renée MAYOT


Qui était Raymond CORBIN?

C’était un graveur et médailleur français, né à Rochefort-sur-Mer, le 23 avril 1907 et mort le 01/03/2002. Son épouse, née Charlotte Suret-Canale, est décédée le  à l’âge de 95 ans.

Il est l’élève de Dropsy à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts (1931-1934). Il lui succède en qualité de professeur de gravure en médailles (1955), puis du sculpteur Vléric à l’Ecole Germain Pilon. Par ailleurs, Raymond Corbin est le lauréat du Prix Blumenthal, en 1936.

Il a utilisé, à partir de 1960, la méthode de la taille directe. Cette technique nécessitait une plus grande exigence et une grande maîtrise de l’outillage.

Quelques années plus tard, en 1969, il est le premier lauréat du Prix Germain Pilon pour l’ensemble de son œuvre et notamment ses médailles et ses monnaies (Dinars de Tunisie – 1968 et 1970, la pièce de 100 francs « Marie Curie », commandée en 1984 par le Trésor Public).

Une exposition exceptionnelle lui a été consacrée par le Cabinet des Médailles de Munich, en 1988. La Monnaie de Paris n’était pas en reste puisque deux expositions lui ont été consacrées en partie ou en totalité, les « Graveurs d’Acier » en 1971 et « l’Atelier de Raymond Corbin » en 1986.

Raymond Corbin est également l’auteur du haut-relief « Le Maquis » qui orne le Mont-Valérien.

Il a enfin réalisé l’épée d’académicien de l’archéologue Jean leclant, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

Sa devise: « Je préfère ce qui me touche à ce qui me surprend »

 


 

NUMISMAG: Quel est votre parcours professionnel?

RENEE MAYOT: Pendant quelques années j’ai enseigné le dessin pour l’éducation nationale, puis j’ai été nommée directrice d’atelier de dessin d’après le modèle vivant et de modelage dans les espaces culturels de Melun et de Vaux-le -Pénil.

J’ai également reçu différents prix:

  • Prix de la Jeune sculpture au Salon des Artistes Français
  • Prix de dessin David Weill,

J’ai effectué un séjour de deux ans à Madrid en tant que lauréate de la Casa Velasquez, Prix Daniel Wildenstein.

Je me suis ensuite totalement consacrée à la création de médailles.

 

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Médaille « Le Petit Prince » – catalogue général de la Monnaie de Paris

 

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Médaille du  CNASEA de Renée MAYOT – EP Monnaie de Paris

 

NUMISMAG: Pourquoi vous êtes vous plus particulièrement intéressée à la création dans le domaine de la Médaille?

RENEE MAYOT: Sans doute parce que j’y retrouve un ensemble de disciplines que j’aime particulièrement. Dans un espace restreint il faut allier le sens du dessin, de la composition, il faut modeler, graver, tenir compte des nombreuses contraintes techniques liées à la frappe, et inscrire sa propre écriture, sa propre personnalité. La rigueur du travail, alliée à la création elle-même, me plait tout particulièrement. On y trouve, intimement mêlés, la liberté de la créativité et le souci du travail bien fait , comme celui d’un artisan.

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Plâtre – Médaille Europe 2001 de Renée MAYOT

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Plâtre – Médaille du Sommet France – Afrique 2010 de Renée MAYOT

NUMISMAG: N’avez vous jamais été intéressée par le Monétaire?

RENEE MAYOT: Le monétaire peut m’intéresser, mais il est essentiellement réservé aux graveurs des ateliers monétaires, ce qui est tout à fait compréhensible.

NUMISMAG: Avez vous participé à des concours monétaires en France ou à l’étranger?

RENEE MAYOT: J’ai participé une fois à un concours monétaire, dans les années 83 ou 84, je ne me souviens plus très bien. Il s’agissait d’une pièce de monnaie à l’effigie d’ Emile Zola . J’en ai d’ailleurs conservé les projets dessinés.

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Dessin de Renée MAYOT – concours 100 francs Emile ZOLA – monnaie non émise

 

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RENEE MAYOT: la gravure classique au féminin, à la Monnaie de Paris

 

Dessin de Renee Mayot – concours 10 francs Victor HUGO – monnaie non émise

 

NUMISMAG: Vous êtes un travailleur indépendant. Comment avez-vous été amenée à travailler pour le compte de la Monnaie de Paris et quel a été le premier travail qui vous été commandé par la Monnaie?

RENEE MAYOT: Après mon diplôme de gravure en médaille en 1970, la coutume voulait que le jeune diplômé soit reçu par le directeur de la Monnaie qui lui confiait sa première commande. Monsieur Dehayes , alors directeur, m’a passé commande d’une médaille à l’effigie de Robert le Pieux.

NUMISMAG: Quels ont été vos maîtres en matière de gravure?

RENEE MAYOT: Monsieur Raymond Corbin était le «patron» de l’atelier de médailles aux Beaux-Arts de Paris. Il nous initiait à la gravure en creux tout en nous incitant à continuer le modelage en ronde-bosse ou en bas-relief, il m’a beaucoup encouragée et donné de précieux conseils.

J’ai été aussi particulièrement influencée par Monsieur Léopold Kretz qui était professeur de modelage pendant mes premières années d’études aux Beaux-Arts de Reims.

Je pense que je dois beaucoup à mes trois premières années d’études , à un moment où la formation artistique était encore très complète et très rigoureuse . Nous avions un grand nombre de disciplines à notre programme : dessin, modelage, peinture, gravure, architecture, anatomie, publicité, étude documentaire, histoire de l’art…Ces trois années m’ont beaucoup marquée et je me sers chaque jour de ce que j’ai pu y apprendre …

NUMISMAG: Quelle(s) est (sont) votre (vos) source(s) d’inspiration?

RENEE MAYOT: Mes sources d’inspiration? Elles sont nombreuses… et se situent un peu partout… l’église de mon village natal, en marchant dans la rue, en lisant, en écoutant de la musique et en fréquentant beaucoup musées et monuments . J’aime m’imprégner des oeuvres du passé . Elles me nourrissent , déclenchent en moi une grande admiration et de vives émotions qui deviennent une source inépuisable d’inspiration.

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Médaille du CERPN – édition particulière de la Monnaie de Paris

 

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Médaille l’Astrolabe 2003 – Monnaie de Paris

 

NUMISMAG: Y a t’il une thématique en matière de médaille et/ou un projet particulier qui vous a tenu plus particulièrement à cœur?

RENEE MAYOT: J’avais souhaité créer une série de médailles sur les grands mythes féminins. Sans doute parce que je voulais y mettre une perception et une compréhension toute féminine.

 

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Médaille – Portrait de Gilberte COURNAND de Renée MAYOT

 

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Médaille – Portrait de Lycette DARSONVAL de Renée MAYOT

 

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Médaille – MEDEE de Renée MAYOT

Le choix de ce thème (après avoir créé les médailles Salomé, Hélène de Troie, Cleopâtre et Médée) , a amené Monsieur Cahart, alors directeur de la Monnaie , à me demander de créer une médaille calendrier sur le thème mythique d’Europe et de l’Europe.

La série de calendriers «Europe» reste un des moments forts de ma carrière.

NUMISMAG: Vous faites partie de l’école classique qui travaille en 3D (en relief, ronde bosse et demi ronde bosse). Que pensez vous des nombreux créateurs de pièces et médailles qui travaillent en 2D et qui ont un style très épuré, voire minimaliste (voir par exemple ERJA TIELINEN, designer finlandaise)?

RENEE MAYOT: Je ne perçois pas les monnaies ou les médailles d’Erja Tielinen  comme minimalistes alors que sa sculpture l’est. Elle arrive à allier une forme d’épuration en opposition avec un modelé très sensible. C’est ce que j’ai souvent fait dans mes propres créations. Rigueur des verticales et horizontales alliée à la sensibilité d’un modelé.

Je pense que rien ne remplace la main au service de l’esprit… elle reste pour moi l’outil essentiel capable de faire passer sensibilité , émotion, sensualité du toucher.

Les créations en 2D me paraissent trop froides, aseptisées comme beaucoup de décorations ou aménagements actuels… très clean, mais sans humanité…Ceci reste évidemment très personnel, je ne me sens pas faire partie de ce monde, c’est une mode, et comme toutes les modes, elle passera…

NUMISMAG: Avez vous conçu des médailles en haut relief? Si oui lesquelles?

RENEE MAYOT: Mes médailles ont souvent un assez haut relief. Les plus représentatives se trouvent dans certains calendriers Europe. Les médailles de 1999 et 2001 présentent un relief particulièrement marqué.

 

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Médaille Calendrier de 1993 – série Europe de Renée MAYOT

 

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Médaille Calendrier de 1997 – série Europe de Renée MAYOT

 

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Médaille Calendrier de 1999 – série Europe de Renée MAYOT

Première Médaille de la série au relief très prononcé, selon l’aveux de l’artiste elle même

 

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RENEE MAYOT: la gravure classique au féminin, à la Monnaie de Paris

 

Médaille Calendrier de 2001 (avers et revers) – série Europe de Renée MAYOT

Seconde Médaille de la série au relief très prononcé, selon l’aveux de l’artiste elle même

 

 

 

NUMISMAG: Vous avez beaucoup travaillé pour les éditions particulières de la Monnaie. Quel type de client aviez vous plus particulièrement dans ce cadre (associations, des particuliers, etc…)?

RENEE MAYOT: L’essentiel de ma carrière est lié aux éditions particulières de la Monnaie de Paris. J’ai travaillé pour de nombreuses entreprises, associations, villes, institutions d’état, anniversaires… Ces créations ont souvent donné lieu à de belles rencontres et à de beaux échanges. C’set à chaque fois un challenge car il faut à la fois être à l’écoute tout en répondant à certaines contraintes liées à une commandes, y inscrire sa propre personnalité et sa sensibilité. Pour moi, ce sont des souvenirs de très beaux moments.

 

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Médaille Ville de DEAUVILLE de Renée MAYOT

 

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Médaille Ville de SENLIS de Renée MAYOT

 

 

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Médaille Ville de POITIERS de Renée MAYOT

 


Qu’est ce qu’une édition particulière de la Monnaie de Paris?

La Monnaie de Paris réalise très souvent des médailles pour le compte de clients pour des occasions particulière: commémoration, date anniversaire, célébration d’une personnalité ou d’une institution, etc…Ces médailles sont commandées et réalisées pour les besoins exclusifs d’un client et ne sont donc pas intégrées au catalogue général de la Monnaie de Paris. Cette dernière n’en assure donc pas la distribution commerciale, contrairement à toutes les médailles qui figurent à son catalogue.


 

NUMISMAG: Quel est selon vous l’avenir de la numismatique en France et en Europe et plus particulièrement de la médaille de table?

RENEE MAYOT: J’ai un peu de mal à répondre à cette question. Notre société change très vite, les valeurs, les goûts se modifient très rapidement. Peut-être y aura-t-il un regain d’intérêt pour cette forme d’art qu’est la création de médailles. Un art secret et silencieux…

Les monnaies actuelles vont, pour moi, à l’encontre de ce qu’elles devraient être. C’est à dire qu’elles devraient être dans la main, dans la poche, regardées, touchées, caressées et ne pas avoir un but exclusif de collection, enfermées dans des coffrets ou des boites de plastique parce qu’il ne faut surtout pas toucher pour ne pas altérer le métal… c’est triste.

Mais là encore c’est ma vision des choses, liée à une perception de l’art qui ne semble plus être d’actualité.

 

 

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Médaille et plâtre Jean Louis FLORENTZ de Renée MAYOT

 

Sources: RENEE MAYOT et NUMISMAG.

 

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