Inde, après la démonétisation des billets de 500 et 1000 roupies

Inde, après la démonétisation des billets de 500 et 1000 roupies

  • septembre 16, 2017
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Comme beaucoup de journaux de la presse généraliste ont pu le rapporter, l’Inde a connu en fin d’année 2016 un séisme monétaire puisque le premier ministre indien a déclaré la démonétisation immédiate, concomitante à son annonce, des billets de 500 et  1000 roupies et leur remplacement par deux nouvelles coupures de 500 et 2000 roupies.

 

 

Cela signifie que toutes les personnes qui détenaient des billets de ces deux valeurs, au moment de l’annonce, n’avaient plus entre les mains que de jolis bouquets de nèfles. La seule alternative pour le détenteur de ces coupures était donc de les rapporter dans une banque afin de les échanger contre des coupures qui avaient toujours cours légal. Le gouvernement indien avait limité à 4000 roupies par jour et par personne les échanges de coupures au guichet des banques et à 2000 roupies par jour les échanges au DAB des mêmes banques.

Au delà de la radicalité de la mesure, quel était le but poursuivi par le gouvernement indien en procédant de la sorte? Il souhaitait tout simplement replacer dans le système économique légal, où les sources de revenus sont déclarées et taxées, la plus grosse partie des transactions payées en cash. Il souhaitait donc lutter contre la fraude fiscale. Mais ce type de mesure est d’une efficacité très relative dans la mesure où les cibles supposées de cette mesure (les ménages les plus riches) stockent leurs valeurs sur d’autres supports que le cash.

 

 

Ils ont également accès au système bancaire. Le plus gros de leurs valeurs numéraires est donc constitué par de la monnaie scripturale et non fiduciaire, voire des actions, de biens immobiliers ou de l’or. Le marché de l’or pour les particulier en Inde est un des marchés les plus dynamiques au monde car, dans une société de castes où une grande partie des mariages sont encore des mariages « arrangée »,  l’importance de la dote reste effective. Elle est la plupart du temps payée en or.

Le nouveau billet de deux cents roupies émis fin août 2017

Le rendement fiscal de cette mesure est donc limité à la petite fraude, celle des plus pauvres. Il existe toute une panoplie de solutions pour les plus riches permettant d’éviter l’effet ciseau de la démonétisation. Les particuliers qui ont du recycler une masse importante de coupures fiduciaires ont pu recourir à des  « mules » c’est-à-dire des particuliers qui échangent des espèces au comptoir, contre une commission. Dans un pays comme l’Inde où le revenu moyen est très faible, le nombre des candidats pour ce type de transactions a été important.

Il a été possible de recourir, là aussi contre commission, à des banques étrangères voire des filiales de banques indiennes établies dans des pays limitrophes de l’Inde. La banque établie à l’étranger qui s’est ainsi entremise rend l’échange de coupures fiduciaires totalement opaque. L’identité des particuliers pour lesquels ces opérations ont été menées est restée inconnue.

De plus, les deux coupures de 500 et 1000 roupies représentaient 86% de la monnaie fiduciaire en circulation. Or l’Inde est une économie où la majeure partie des paiements se font en cash, y compris pour les transactions légales et fiscalement déclarées. Les agriculteurs sont par exemple exclusivement réglés en cash lors de la vente de leur récolte. Il en est de même des vendeurs de Saris et du commerce de détail ou de gros du textile.

 

Tweet du premier ministre qui annonce la démonétisation surprise le 8 novembre 2016. Narendra Modi a pris tout le monde par surprise en annonçant que les billets de 500 et 1000 roupies, soit près de 86% de l’argent en circulation, ne seraient plus utilisables car désormais sans cours légal.

Mais, au delà de cet objectif avoué, on peut se demander s’il n’y en a pas un autre plus inavouable. Il y a une évidente volonté de proposer à la population une alternative au cash, qui représente 90% des paiements effectués. En effet, l’Inde est un pays sous-bancarisé. La plus grosse partie de la population ne dispose pas d’un compte bancaire. En rendant plus difficile les paiements en espèces, le gouvernement indien souhaite développer l’activité du secteur bancaire, qui sera commissionné sur toute opération passant par des comptes bancaires (virements, cartes de crédits, M-paiements, etc…). Bref un pactole pour les opérateurs bancaires.

Sur la masse du cash en circulation, les opérateurs bancaires ne sont commissionnés que très faiblement et uniquement sur les opérations qui passent par leurs  guichets physiques ou leurs DAB/ATM. La masse des billets en circulation représente 13% du PIB indien. On considère que ce sont plus de 23 milliards de billets qui ont été démonétisés. Les enjeux sont donc considérables aussi bien pour le gouvernement indien que pour les banques de détail ou encore pour la grande majorité de la population indienne.

La France a connu un épisode similaire au lendemain de la guerre de 1939-1945. Entre le 04 et le 15 juin 1945, les français ont été invités à échanger toute la gamme des billets allant du billet de 50 francs à  celui de 5 000 francs, aux guichets des banques. Cette mesure visait à identifier les personnes qui avaient pu se constituer un pactole lors de la guerre, notamment grâce au marché noir. La mesure a été relativement peu efficace. Des réseaux de « mules » s’étaient, par exemple, mis en place afin de rendre opaque l’échange et donc permettre le blanchiment des billets provenant de fortunes soudaines et douteuses.

La BCE a eu une position allant dans le même sens, mais moins tranchée que celle de l’Inde, il y a quelques mois. Elle a en effet annoncé la fin de l’impression des billets de 500€ en prétextant le fait que cette coupure était le plus souvent utilisée dans le cadre de transactions illicites. Mais, elle n’est pas allée jusqu’à la démonétisation expresse de cette coupure, comme l’Inde l’a fait.

La recette n’est donc pas nouvelle, mais elle n’a vraisemblablement pas plus été efficace que par le passé…

Source: NUMISMAG.

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