Médaille « Libertas Americana » – naissance de l’amitié France-Amérique par Augustin Dupré, 1776
- octobre 01, 2018
- par
- Olivier
La médaille de la naissance de l’amitié France – Amérique, gravée par Augustin Dupré ou « Americana Libertas » est l’une des plus célèbres médailles liée à l’indépendance américaine. Elle fut frappée à la demande de Benjamin Franklin afin de commémorer les 3 dates les plus importantes de la guerre d’indépendance des États-Unis.
– Le 4 juillet 1776 – Le Jour de l’indépendance déclaré par le Congrès Continental.
– Le 17 octobre 1777 – La bataille de Saratoga qui donna une victoire décisive aux Américains sur les Britanniques.
– Le 19 octobre 1781 – La bataille de Yorktown qui signa la défaite de l’Angleterre et la signature du traité de Paris de 1783, par lequel la Grande-Bretagne reconnaissait l’indépendance des États-Unis.
Benjamin Franklin confie, en début d’année 1782, son projet à Esprit-Antoine Gibelin (1739-1813), peintre et archéologue français, spécialisé dans la peinture monochrome à fresque à scène mythologique. Le projet sera finalisé par Augustin Dupré et frappé à la Monnaie de Paris en argent et en bronze.
Au printemps 1783, les coins sont prêts et les premières médailles frappées. Dans une lettre du 13 avril 1783 à Robert R.Livingston, Secrétaire des Affaires étrangères, Franklin annonce avoir offert en signe de reconnaissance à la Nation française un exemplaire en or au roi Louis XVI et un autre à la reine Marie-Antoinette, ainsi qu’un exemplaire en argent à chacun des ministres.
Il joint à sa lettre un exemplaire en argent pour le Président du Congrès et un en bronze pour son correspondant et lui fait part de l’envoi prochain d’une médaille en bronze pour chacun des membres du Congrès. Il espère que son initiative sera approuvée et reprise par celui-ci, et offre même la possibilité de faire modifier le coin en ce sens.
“Libertas Americana” est l’œuvre privée de Benjamin Franklin et en assume seul les coûts. Fidèle à ses idéaux altruistes, il offre ce magnifique outil diplomatique à son pays. Dès le 6 avril 1783, il fait parvenir au grand maître de Malte, Emmanuel de Rohan-Polduc, un exemplaire d’argent, accompagné d’une demande de protection pour ses concitoyens relâchant dans les ports de l’île de Malte. Dans une lettre datée du 21 juin le grand maître de Malte acceptera sa proposition après l’avoir remercié pour son geste et la qualité de cette médaille en ces termes : “This monument of American liberty has a distinguished place in my cabinet”.
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Les esquisses préparatoires d’Esprit-Antoine Gibelin
De la composition du revers il est connu quatre dessins et une terre cuite. Deux dessins sont de Gibelin, dont l’un est entré en 2010 à la librairie du Congrès de Washington.
Dessin initial par Esprit-Antoine Gibelin
Il semble que ce soit la composition la plus ancienne. En effet, Franklin avait suggéré, qu’Hercule représentant la toute jeune Amérique sorte de son berceau.
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Deuxième esquisse de Gibelin, probablement un dessin préparatoire pour le graveur ou l’outilleur. Cet autre croquis est conservé au Musée de la Coopération franco-américaine de Blérancourt.
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Les dessins préparatoires d’Augustin Dupré
Graveur à la Monnaie royale de Paris, Augustin Dupré s’est joint au projet à mi-parcours du processus de conception. Deux croquis de Dupré sont connus, l’un au Musée des Arts décoratifs de Paris, l’autre à l’American Philisophical Society de Philadelphie.
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Croquis d’Augustin Dupré
conservé à l’American Philisophical Society de Philadelphie
Ce dessin incorpore certains changements artistiques, qui ne seront pas tous conservés dans la conception finale. Sur ce projet, Hercule est maintenant figuré sur un bouclier qui représente l’origine militaire de la nouvelle nation. La qualité de cette esquisse indique qu’il s’agissait d’un dessin de travail, peu être produit pour trouver la meilleure façon de rendre le dessin sur métal.
Croquis d’Augustin Dupré, conservé au Musée des arts décoratifs de Paris.
C’est le dessin préparatoire final, avec tous les éléments de la médaille finie en place et l’image inversée pour la production de la matrice métallique.
Aucun dessin de la genèse de la face de la médaille n’est connu et les archives de Dupré ont été dispersées. Le dessin de Liberty coiffée de son emblématique bonnet connaîtra une postérité universelle. Aux États-Unis elle figurera dé 1793 sur les monnaies de cuivre, puis sera reprise tout au long du XIXe siècle. En France, dès 1783, elle sera reproduite sur la toile de la manufacture de Jouy de M. Oberkampf intitulée “L’indépendance américaine” et, en 1792, elle inspirera directement au graveur Galle sa “liberté française” pour l’essai monétaire en métal de cloche frappée par les artistes réunis de Lyon.
« Libertas Americana » en Bronze
Tout en symboles, cette médaille représente à la fois la Liberté conquise, la protection de la France et la puissance en devenir de la jeune et victorieuse République. C’est une médaille en bronze de 48 mm de diamètre et d’un poids de 45,23 grammes
Liberté est représenté en Buste profil à gauche, cheveux au vent, pique et bonnet phrygien en arrière-plan, à l’exergue 4 juillet 1776.
Cette médaille à patine brune n’est pas celle de la frappe d’origine mais d’une frappe ancienne vraisemblablement de la fin du 18e, vers 1797/1799. Ce tirage porte également le même défaut de coin dans la couronne au niveau du 4 juillet comme sur la frappe d’origine. Tranche lisse régulière. TTB
Sur le revers on trouve une riche composition où la France, symbolisée par Minerve casquée et armée d’une lance, protège du léopard Britannique, grâce à son bouclier orné de trois lys, la jeune Amérique sous les traits d’Hercule enfant, assis dans ses langes sur un bouclier, étouffant deux serpents représentant l’armée anglaise à Saratoga et Yorktown.
À l’exergue les dates “17 / 19 OCT. 1777. /1781.”. La signature “DUPRÉ F.” est gravée sous la queue du léopard, qui est placée entre ses pattes en signe de couardise. La légende, tirée du livre III des Odes d’Horace, signifie “l’enfant courageux fut aidé des dieux”, les deux dates renvoient aux victoires remportées sur les armées des généraux Burgoyne à Saratoga et Cornwallis à Yorktown. Franklin voyant dans ces victoires un heureux présage pour son jeune pays (“The extinguishing of two entire armies in one war is what has rarely happened, and it gives a presage of the future force of our growing empire”, lettre du 4 mars 1782 au Secrétaire des Affaires étrangères à propos de son projet de médaille).
« Libertas Americana » en Argent
Version Originale de 1783
Au musée de la coopération franco-américaine de Blérancourt est conservé la terre cuite originale de la médaille. Elle est l’oeuvre du célèbre sculpteur Lorrain Clodion (1738-1814).
Terre cuite -1782/1783
Les archives d’Augustin Dupré ont été vendu par ses descendants il y a 4 ans. Elles comportaient de nombreux dessins de pièces et médailles célèbres, des dessins de projets non aboutis, des lettres de Benjamins Franklin et du 1er président des États-Unis Thomas Jefferson. Ce fond n’a pas été préempter par l’État français. Pourtant ces archives auraient bien mérité de se retrouver au cabinet des médailles de la BNF. Ils ont été acheté par un marchand Américain.
Les prix
Concernant la valeur de cette médaille, la frappe d’origine vaut autour de 15 000 dollars et il n’existerait que 100 à 125 exemplaires de la version en bronze.
Une médaille en Bronze 1er frappe est en vente actuellement chez un professionnel en TTB à 14 000 euro
La refrappe de 1791/97 présentée ci-dessus c’est vendu 4000 euro lors d’une vente en France en septembre 2018.
Sources : Musée de la coopération franco-américaine de Blérancourt – Philocale – Musée des arts décoratif – American Philisophical Society de Philadelphie – Rouillac Enchères – Les arts 1918 – L’INDEPENDANCE AMERICAINE – ESPRIT-ANTOINE GIBELINLES MEDAILLES FRANCAISES DE L’INDEPENDANCE AMERICAINE – AUGUSTIN DUPRE- NUMISMAG©