Les trop rares représentation de femmes célèbres sur les billets de la Banque de France

Les trop rares représentation de femmes célèbres sur les billets de la Banque de France

Pendant tout le XIXème siècle plusieurs figures féminines figurent sur les billets émis par la Banque de France. Il s’agit alors soit de déesses appartenant à la mythologie gréco-romaine soit d’allégories illustrant la Loi, la Justice ou encore la Fortune.

Ce n’est qu’au début du XXème siècle que des visages se voulant réalistes vont orner les billets.Mais cette figuration vise à incarner plutôt des valeurs. Sur quelques billets émis lors de la 1ère Guerre mondiale on voit des portraits de paysannes qui rendent hommage aux « travailleuses de l’arrière front ». La tendance perdurera ensuite sous le régime de Vichy où les portraits des femmes de pêcheurs, de mineurs ou encore de bergères visent à glorifier les métiers et forces économiques de la Nation. Parallèlement, et jusqu’au début des années 50, les figures de déesses restent utilisées pour incarner, par exemple, à travers Pomone et Amphitrite, le commerce ou encore l’industrie.

À partir des années 50, le billet met désormais en avant systématiquement le portrait d’un personnage illustre de l’histoire de France. La tendance, inaugurée par Descartes sur le 100 francs 1942 suivi d’un 500 francs Chateaubriand en 1945, est de nouveau illustrée par le 500 francs Victor Hugo en 1953. Mais point de femmes célèbres ne sont représentées.

Les trop rare femmes célèbres sur les billets de la Banque de France

Et pourtant, il y eu des projets !

Les femmes célèbres

50 francs Jacques Cœur & Jeanne D’arc de 1939, non émis

Jeanne d’Arc fit l’objet de proposition de billet dès 1939. Le dessin a été confié à l’artiste Lucien Jonas (1880-1947). Entré en 1899 à l’École des Beaux-Arts à Paris, il est second grand prix de Rome en 1905. En 1929, il est fait Chevalier de la Légion d’honneur et débutera sa collaboration avec la Banque de France en 1933.

Ce projet du début 1939 est conçu dans le cadre de la préparation d’une série de billets de petit format. Cette préoccupation, qui est apparue au début des années 1930 dans l’objectif de faciliter la manipulation et le rangement des billets, devient une priorité dans le contexte des tensions diplomatiques de 1938 (crise de Munich) qui paralyse le commerce international. L’industrie française cherche à réduire ses consommations de matières premières et d’énergie. Le thème de Jacques Cœur en grand argentier de France sera conservé pour le futur billet de 50 francs émis en 1941, mais celui de Jeanne d’Arc combattant les Anglais est écarté en juillet-août 1939 au profit d’une bergère anonyme.

Jeanne d’Arc combattante devant Orléans. Dessin du verso au fusain et peinture sur papier dessin.
90 x 145 mm

Etude du portrait au fusain

 

Face Jacques Cœur

 

Les raisons de l’abandon

La guerre se précisant et l’alliance avec les anglais devenant indispensable, il n’était guère concevable de rappeler le sort réservé par ces derniers à l’héroïne nationale. Jeanne d’Arc sera alors remplacée par une bergère.

Le projet d’un billet avec Jeanne d’Arc est de nouveau évoqué au début de l’année 1952 mais, à nouveau un événement va bousculer la proposition puisque nait cette même année la Communauté européenne de défense (CED) avec le soutien, bien qu’éphémère, de l’Angleterre. Une nouvelle fois, la diplomatie aura le dernier mot !

 


 

Les figures féminines incarnées par de réels personnages ne reviendront qu’à compter de 1957 puis 1960 mais uniquement à travers des filigranes représentant Marie de Médicis, femme d’Henri IV sur le 5000 francs type 1957 et Armande Béjart, épouse de Molière pour le 500 francs 1960.

L’absence de portraits de femmes sur les billets de la Banque de France traduit de fait les mentalités de l’époque et la place qui leur est réservée si l’on rappelle que le droit de vote ne leur est acquis qu’à compter de 1945 et qu’elles n’acquerront la libre disposition de leurs biens et exercice de profession qu’à compter de 1965.

Dans les années 1970, il y eut plusieurs projets de billets représentant des femmes de lettres : Madame de Sévigné, Colette et Madame de Staël notamment). Nous vous présentons tous ses projets, qui soient ne dépasseront pas le stade d’une prémaquette, soit irons jusqu’à l’impression pour servir de coupure de réserve.

 


 

100 francs ? « Diane de poitier et Henri II  » en 1950 non émis

Diane de Poitiers (1499-1566), comtesse de Saint-Vallier, duchesse de Valentinois, demeure pendant plus de vingt ans la favorite de Henri II, roi de France, s’imposa à la cour royale aux dépens de la reine Catherine de Médicis.

Ce projet de billet Diane de poitier et Henri II est du de l’artiste Clément Serveau. Cette coupure est connue en épreuve, imprimée sur papier fort.
Il existe des épreuves dans des tons à dominante bleu.

 

 


 

500 francs « Madame de Sévigné » en 1972 non émis

Ce billet de 500 francs Madame de Sévigné est l’oeuvre de Roger Excoffon (1910-1983) graphiste, typographe et créateur de caractères typographiques. Projet sans suite resté à l’état d’ébauche.

 


 

20 francs Colette de 1979, non émis

À la fin des années 1970, la Banque de France programme la fabrication de nouvelles vignettes pour les billets de 20 francs. Elle commande des maquettes auprès de l’artiste Bernard Taurelle qui présente deux projets, l’un concernant Colette et le second Debussy.

La composition de la maquette du recto s’inspire d’une photographie issue de l’ouvrage Dans l’intimité de personnages Illustres.

 

Le verso représente Colette se promenant dans le jardin du Palais-Royal qu’elle admirait au quotidien depuis ses fenêtres du 9 rue de Beaujolais. La place située devant la Comédie française à l’entrée du jardin porte son nom depuis l’arrêté pris par André Malraux le 19 février 1966.

Autre version avec des tons et un verso différent.

Les raisons de l’abandon

Lors de la séance du Conseil général le 18 octobre 1979, celui-ci élu par le personnel s’étonne du choix de Debussy, alors que Monsieur le Gouverneur avait précédemment indiqué qu’il souhaitait voir une effigie féminine figurer enfin sur un billet de la Banque, le Gouverneur Clappier lui répond en précisant « qu’il serait dommage de faire figurer la première effigie féminine sur une coupure faciale aussi modeste». Le modèle du projet de billet de 20 francs représentant Colette n’est donc pas adopté par le Conseil général, préférant le projet du 20 francs Debussy.

 


George Sand – 1980

C’est sur une initiative privée que cette maquette dédiée à George Sand fut réalisée. Le dirigeant de la station de radio Europe 1, envoya au gouverneur de la Banque de France cette maquette commandée auprès de l’artiste peintre Raymond Biaussat. Ce dernier avait choisi George Sand. Bien qu’évoqué pour une coupure de 1000 francs, ce projet resta sans suite.

 


500 francs Madame de Stael de 1984, non émis

Ce projet de l’artiste Albert Simonneau est la version finale d’un recto du billet de 500 francs « Madame de Stael » de 1984.

Peinture sur papier collé.


 

Plusieurs projets vont est mis en route avec pour thèmes des reines visant à illustrer certaines périodes historiques, médiéval pour Clotilde de Burgondie, Renaissance pour Élisabeth d’Autriche ou encore Anne de Bretagne.

 


 

1er projet
de billet – Reine Clotilde – 1941

Clotilde, épouse de Clovis Ier née vers 474, morte autour de 545 à Tours. C’est le premier projet avec l’effigie de la reine Clothilde qui avait été en cours en 1941 avec le peintre Sébastien LAURENT et qui fût abandonné.

2e projet
500 et 1000 Francs Reine Clotilde, Art Médieval – type 1980

Premier avant projet de Pierrette LAMBERT pour la série Art Médieval – Clotilde de BURGONDIE. Cet avant projet « Reine CLOTILDE » fut étudié avec deux valeurs faciales, 500 et 1000 francs.

À la fin des années 1970, la Banque de France entreprend la création d’une nouvelle gamme de billets sur le thème du patrimoine artistique français, puis des grandes époques artistiques : Moyen-Âge, Renaissance et XVIIIe siècle. Le projet « Art médiéval » connut diverses évolutions dans sa valeur faciale, ses représentations et ses procédés d’impression jusqu’à cette version en offset rehaussée d’une taille-douce noire au recto et munie de sécurités nouvelles (micro-lettres notamment).

Etude par Pierrette Lambert des 1979 du premier projet du 500 qui deviendra le 1000F.

 

Les raisons de l’abandon

Sur ses versions du billet Art Médieval, l’effigie de la Reine CLOTILDE est remplacée par la représentation d’un Ange en bois, provenant de Reims et datant du XIIIeme siècle. Cette dernière version sera imprimée à 1 million d’exemplaire est gardé en réserve. Il sera victime des mesures d’austérité et de protection monétaire engagées en mars 1983 par le Premier ministre Pierre Mauroy. Il ne sera finalement pas émis.

 


500 francs Elisabeth d’Autriche de 1982, non émis

La Banque de France engagea le projet d’un billet consacré à la Renaissance, au printemps 1982, dans l’objectif de disposer d’une coupure de réserve pouvant remplacer le billet de 500 francs Type 1968 « Pascal » dans le cas où celui-ci serait victime d’une contrefaçon massive.

Cette étude datée de 1982 créé par l’artiste Pierrette Lambert dans le cadre d’un billet de 500 francs Elisabeth d’Autriche qui est l’épouse du roi Charles IX. Ce premier projet Elisabeth d’Autriche fut remplacée par une autre femme célèbre Anne de Bretagne.

 

 

 


 

500 francs Anne de Bretagne – Renaissance – type 1986

D’abord reine des Romains lorsque qu’elle épouse Maximilien 1er de Habsbourg, elle devient reine de France à son deuxième mariage avec le roi de France Charles VII. A sa mort elle épouse le successeur de  Charles VII, Louis XII.

Ce nouveau projet de billet remplace le 500 francs Elisabeth d’Autriche. Dessinée d’abord dans une version allongée se rapprochant du format chèque, la composition ne fut retenue qu’après un changement de format qui fit perdre un peu d’harmonie à la composition.
La version finale baptisée  » 500 francs type 1986 Renaissance » fut imprimée en 1988 à un million d’exemplaires. Ce billet servit de test pour de nouvelles techniques de sécurité, (filigrane caché par exemple), nouvelles techniques d’impression (encres spéciales, impressions minuscules).

Au final ce billet servit de coupure de réserve pour contrecarrer une éventuelle contrefaçon du billet de 500 francs en circulation. La banque de France n’aura pas a utiliser cette coupure de réserve, car les services de conception de billet avancent dans la conception d’une toute nouvelle gamme coupure dont le 500 francs qui seront dédié à Marie Curie.

Oeuvre de Pierrette Lambert, ce projet ira jusqu’au bout de sa conception. Ce billet qui ne sera jamais émis sera tout de même imprimés à un million d’exemplaires pour tester de nouveaux signes de sécurité fiduciaires. Gravure de Herouard et Jubert. Taille douce de Durrens. Dimensions : 153 x 80 mm. Filigrane : Anne de Bretagne. Impression offset polychrome.

1er version

Version allongé se raprochant du format chèque

Recto : portrait à l’identique d’Anne de Bretagne avec en arrière-plan à gauche des personnages en costumes d’époque et à droite, la scène du Traité de Nantes de 1499 signé par Anne de Bretagne et Louis XII.

 

2e version

Version raccourcie. On le voit notamment au niveau du visage plus étroitisé que le précédent. Sinon pas de changement dans le motif.

Recto : portrait à l’identique d’Anne de Bretagne avec en arrière-plan à gauche des personnages en costumes d’époque et à droite, la scène du Traité de Nantes de 1499 signé par Anne de Bretagne et Louis XII. Format 182 x 97 mm.


Verso : Portrait d’Anne de Bretagne à l’identique inversé du recto; la bande supérieure du billet reprend des motifs ornant des médaillons de la cheminée du salon d’honneur du château de Blois; encadrant le portrait, une représentation des châteaux de Chenonceau et de Chambord. En bas une salamandre, motif d’une cheminée du château de Blois. Sur la droite deux nymphes de la fontaine des Innocents, un casque et un motif de portail du XVIe siècle.

 

3e version

 

 

 

4e version

 


 

La prochaine femme qui sera mise à l’honneur est Marie Curie. Plusieurs maquettes auront d’ailleurs été exécutées d’abord en 1972 puis en 1977, après une campagne conduite par le magazine Marie Claire. Marie Curie ne sera pas non plus retenue à cette période et il faudra attendre le 500 francs 1993 pour voir son portrait orner un billet avec son mari en arrière-plan.

 


 

Billet de 500 francs Marie Curie de 1972.
Premier projet

Ce projet est du par l’artiste Lucien Fontanarosa (1912-1975). Après s’être formé à l’Ecole nationale des Beaux-arts de Paris en 1931, il poursuivra une longue carrière récompensée par de nombreux prix. Il est élu membre de l’Académie des Beaux-arts en 1955. C’est Fontanarosa qui réalisera le 50 Fr Quentin Latour, 100 Fr Delacroix et le 500 Fr Pascal. Les propositions de Fontanarosa resterons à l’état d’étude sommaires.

 

 

Peinture sur carton

 


 

Billet de 20 francs Marie Curie de 1977
Deuxième projet

Ce deuxième projet est du à l’artiste Jacques Combet (1920-1993). Le dessin présente le portrait de profil de Marie Curie, étude du verso.

 

Peinture sur papier collé sur carton

 


 

Billet de 500 francs Marie Curie
Troisième projet

Ce projet est du à l’artiste Bernard Taurelle

Billet de 200 francs Marie Curie
Quatrième projet

Ce projet créé par l’artiste Bernard Taurelle est l’unique composition verticale proposée pour un billet de la Banque de France. Le dessin représente Marie Curie dans son laboratoire, étude du recto non émis.

Aquarelle sur papier dessin

 


 

Billet de 500 francs Marie Curie – 1994
Quatrième projet

L’unique billet en franc  » émis » avec le portrait d’une femme célèbre, est l’œuvre de l’artiste franco-suisse Roger Pfund (1943-). Le dessin du recto représente Marie Curie et son époux Pierre Curie. Le portrait de Marie-Curie est également utilisé pour le filigrane.

 

Sources Banque de France, Numismag©

2 Commentaires

  1. AlexBach

    24th Mar 2023 - 16 h 45 min

    Les projets de design sont magnifiques. Le projet de Curie de Jacques Combet était très beau, quel dommage qu’il n’ait pas été adopté !
    Existe-t-il des livres ou des publications édités par la Banque de France pour présenter ces magnifiques projets ? Où peut-on avoir accès à ces projets ?

    • JEREMIE

      2nd Avr 2023 - 20 h 30 min

      Bonsoir,
      Vous trouverez dans l’ouvrage de Jean -Claude CAMUS « BILLETS SECRETS de la BANQUE de FRANCE » aux Editions ALTELIA ( Prix 18 euros) la pluparts des billets cités.
      Félicitations à OLIVIER pour cet excellent article.
      Bonne soirée . YVES

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